mardi 27 juillet 2010

Jizo et yanegami

Commençons par une TALC (ça faisait longtemps): les religions se diffuseraient-elles comme les ondes radios? En effet, on peut imaginer une similarité amusante: les cathédrales et les églises seraient des émetteurs, et pour assurer la couverture partout, on aurait des relais grâce aux chapelles et aux calvaires, qui seraient autant d'antennes assurant une large couverture spirituelle dans nos campagnes.
C'est tout à fait similaire au Japon avec les deux religions locales, qui ne se contentent pas de temples plus ou moins grands, mais assurent leur visibilité grâce à  une multitude de petits relais, au risque de se brouiller l'écoute. À titre d'exemple, voici ceux que l'on peut voir dans mon quartier.
Pour le boudhisme, ce sont évidemment des statues de Boudha, les jizo, qui assurent la tâche de relais. On en trouve parfois des groupes impressionnants, ne bénéficiant pas forcément de l'abri d'un petit toit. S'ils sont habituellement de petite taille, ils peuvent aussi atteindre des proportions plus importantes.
Ils sont traditionnellement vêtus d'une sorte de tablier et d'un couvre chef rouges. Ici, en voici deux qui sous leur toit commun font carrément office (si j'ose dire) de chapelle.
Le shinto a recours aux yanegami, véritables mini sanctuaires, qui résistent vaille que vaille à l'urbanisation, personne ne voulant braver la colère des kami que provoquerait leur destruction. Ils abritent un petit autel orné d'un torii, le portique caractéristique.           
Même si certains yanegami ne paient pas de mine, il existe des signes qui permettent de ne pas les confondre avec une quelconque remise à outils, comme les petits piliers en pierre devant celui-ci. Et un coup d'œil à l'intérieur évite toute méprise.
Les yanegami sont ouverts lors d'occasion spéciales, comme les matsuri (festivals). Ils sont  également décorés pour l'occasion. Celui-ci est ouvert lors d'un matsuri auquel les enfants du quartier sont annuellement conviés.
On trouve également des torii peints sur certains murs. Mais n'allez surtout pas croire qu'il s'agit là de l'œuvre de quelques dévôts. Le symbole est utilisé ici plus prosaïquement pour dissuader les indélicats d'uriner à cet endroit.

Anciens commentaires

L'avant dernière photo me rappelle des souvenirs!! 
Commentaire n°1 posté par Céline le 08/08/2010 à 22h35
Ah zut, je ne pourrais plus réitérer le coup de l'énigme de la mort qui tue avec les lecteurs de ce blogue.
Réponse de Fabrice Chotin le 10/08/2010 à 14h37

lundi 5 juillet 2010

Timothée Rey mérite encore des coups



Cette fois-ci pour son livre Des nouvelles du Tibbar, paru chez les moutons électriques. 
Comme le titre l'indique judicieusement, il s'agit de nouvelles, qui ont en commun le fait de se dérouler dans le Tibbar. La partie occidentale de cette contrée est dûment cartographiée en début d'ouvrage, pour le plus grand plaisir des géographes amateurs de noms invraisemblables. Une carte en ouverture d'un livre de Fantasy, voilà qui n'est guère original, me direz-vous. Eh bien détrompez-vous. Certes, une vision hâtive des contours de ces terres et de ces îles pourrait suggérer le nom «Terremer du milieu» à de taquins esprits critiques. Mais l'invraisemblable toponymie constitue une première salve jubilatoire de l'imagination flamboyante teintée d'humour que l'auteur n'aura de cesse de déployer tout le long de l'ouvrage.
 
Les nouvelles sont au nombre de douze, mais n'allez pas y voir une référence aux horloges ou aux mois de l'année, car dans le Tibbar, une journée comporte 20 veilles, 10 diurnes et 10 nocturnes, et une année est divisée de 20 périodes appelées lunescycles. Chaque histoire est précédée d'une illustration réjouissante, qui permet de s'immerger un peu plus dans ce monde, et d'apprécier une corde de plus à l'arc des talents de l'auteur, qui pour le coup doit plutôt ressembler à une harpe.
 
On suit donc les aventures quotidiennes, à moins que ce ne soit le quotidien aventureux, de quelques-uns des habitants de ces terres et îles. Les races qui peuplent ce monde sont nombreuses et variées. L'amateur de Fantasy y retrouvera les inévitables humains, elfes, nains, orcs ou trolls, mais Timothée Rey prend évidemment un malin plaisir à distordre les canons habituels, et se fait une joie d'y ajouter des créations de son cru, tnufles, neictes, et houle-becs, qui malgré leur tête d'oiseau ne sont pas tous des crânes de piaf. Et j'en oublie… le bestiaire est bien entendu au diapason de cette symphonie imaginative et les variations sur le thème ne manquent pas. Et certaines surprises sont de taille, en particulier ce qui concerne les dragons.
 
Les histoires sont rondement menées, écrites avec un style unique, à mille nolmes des poncifs du genre, qui fait d'autant plus plaisir à lire qu'il est manié avec aisance et élégance, pimenté d'une touche d'ironie grinçante. Leur dénouement est amené avec tout autant d'habileté, l'auteur étant un maître dans l'art délicat de la chute. On ne peut rester qu'admiratifs devant ses audaces textuelles, notamment celles retranscrivant un sortilège de dédoublement: du grand art. Que dis-je? De la hautemagie! Autre exploit remarquable, Timothée Rey utilise une profusion de noms inventés, exercice assez périlleux dans la mesure où il peut vite se révéler indigeste. Mais ce fin gourmet des mots sait les cuisiner et les assaisonner, et tel un grand chef nous les sert en plats si délectables qu'on en redemande.
 
Bref, de grands coups de chapeau à Timothée Rey, qui contrairement à de nombreux auteurs trop liés aux conventions n'a pas oublié de mettre de la fantaisie dans la Fantasy.