Alors en ce qui concerne le graphisme et l’animation, on est au niveau d’un Ghibli. On pourrait regretter un chara-design qui n’ose pas se démarquer de son prédécesseur, mais après tout, garder ce style immédiatement reconnaissable du public peut se comprendre, en particulier pour ce premier film. Et ajoutons que les Japonais n’aiment pas trop être bousculés dans leurs habitudes, ce qui vaut autant pour les spectateurs que pour les dessinateurs.
L’histoire traite de magie, thème qui se prête donc tout à fait à quelques fantaisies visuelles. En pareil cas, Miyazaki déploie avec générosité sa veine «baroque», mais ici, on sent que le réalisateur a voulu imiter le maître sans toutefois oser aller aussi loin que lui dans le délire graphique. Il garde un constant souci de ne pas montrer de scène trop dérangeante. C’est dommage d’édulcorer ainsi, car sans grain de folie, l’extravagance penche facilement vers le kitsch.
Concernant l’histoire, le réalisateur a prudemment opté pour une recette souvent adoptée par Miyazaki lui-même : adapter un roman (ici The Little Broomstick de Mary Stewart, inédit en France). Ne connaissant pas l’original, je ne saurais dire si l’adaptation est fidèle ou non. Mais le résultat est décevant à plus d’un titre. Le scénario est aussi linéaire qu’un moteur de maglev. Mais le plus désolant est l’absence de profondeur des personnages. Mary est présentée sans aucune subtilité, en particulier en ce qui concerne sa maladresse qui est montrée d’une façon tellement caricaturale qu’il est difficile de s’attacher d’emblée au personnage. Elle vit ensuite une expérience assez inédite et traumatisante sans que cela ne semble l’affecter plus que cela. Elle aura juste perdu sa maladresse on ne sait trop comment et cela lui aura permis de devenir amie avec le garçon avec lequel, bien entendu, elle ne s’entendait pas au début du film. Les motivations de ses ennemis sont vite mises sur le compte d’une transformation magique et l’on a même droit à un Deus ex machina pour permettre aux deux jeunes héros de se sortir d’une fâcheuse situation finale.
Le film pèche principalement par sa volonté de reprendre les ingrédients qui ont fait le succès des films de Miyazaki tout en gommant les aspects rugueux ou perturbants de ces derniers. On sent la crainte d’essuyer un échec commercial dans ce choix. En effet, par bien des côtés, le film me semble formaté façon «film familial de l’été». Au Japon, beaucoup de films, et en particulier des animes, sortent pendant les vacances scolaires d’été. Certains sont devenus des rendez-vous incontournables comme les films des Pokémons. Étant parent au Japon, j’ai dû m’y coller et subir bon nombre de ces productions, et en particulier ceux des Pokémons, justement. J’en ai donc vu pléthore de franchement ennuyeux, sur le schéma «les gentils sauvent le monde en battant les méchants» avec sa variante à peine plus fine «les gentils sauvent le monde en battant les méchants qui ne l’étaient pas tant que ça, méchants» et où rien ne vient perturber l’enthousiasme des héros. Parfois, des scénaristes un peu moins routiniers ou compatissants envers les parents accompagnant leur marmaille s’amusent à introduire d’autres thèmes, jouant habilement sur deux niveaux de lecture. Ça reste rare, mais c’est pour dire qu’ils en sont parfaitement capables, et le résultat est tout à fait appréciable. Malheureusement, Hiromasa Yonebayashi n’en a rien fait. Sans doute échaudé par le peu de succès de Marnie, il a préféré jouer la sécurité avec les recettes éprouvées par l’industrie cinématographique nipponne et propose donc un film de l’été convenu dont la seule originalité est d’avoir un graphisme à la Ghibli.
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