Certains anxieux ayant une sotte propension à s'inquiéter alors que le soleil brille et que nous sommes en plein tour de
France, je me fends donc d'un petit bulletin pour faire le point sur la situation quatre mois après le séisme. Tout est sous contrôle. Encore une fois, si vous avez entendu, vu ou lu des nouvelles alarmantes, ce ne sont que des rumeurs sans fondement. La Tepco, compagnie exploitant la centrale de Fukushima, est un parfait exemple de l'efficacité de travail à la japonaise. Évidemment, si vous en êtes resté à la vision du miracle japonais des années 80, vous êtes sans doute persuadés que les Japonais peuvent travailler de longues heures, des jours durant, sans jamais se plaindre ou demander le moindre congé. Et de citer ces merveilleux artisans détenteurs de savoir-faire millénaires qui accomplissent leurs tâches avec une ferveur quasi religieuse. Effectivement, le monde de l'entreprise n'a pas manqué d'utiliser cette image impliquant sérieux et qualité, mais il ne s'agit là que d'arguments commerciaux. La réalité de l'entreprise, ce ne sont pas des employés bêtement capables de travailler durant de longues périodes. Ce sont des employés cultivant leur habileté à rester longtemps sur leur lieu de travail en produisant toutes les démonstrations d'un labeur acharné. Dans le cas de Fukushima, la situation se prête magnifiquement à cet exercice. En effet, il n'est guère possible de faire preuve de sa détermination sur un problème trop simple, trop vite réglé, tandis qu'une bonne situation bien inextricable est une opportunité rêvée pour exprimer durablement la puissance de sa ténacité. Pour attester de son sérieux et de sa maîtrise, il convient de soigneusement planifier les opérations. C'est d'autant plus indispensable si le contexte est chaotique. Dans le désordre le plus total, il est bon de pouvoir se raccrocher à des repères. La Tepco a donc dès le début établi une feuille de route, avec des étapes qui doivent être impérativement accomplies à la date prévue. Même si la situation a évolué entre temps et qu'une étape peut se révéler caduque, on s'appliquera à faire scrupuleusement ce qui a été décidé. En effet, si cela peut permettre de créer une situation encore plus compliquée, et plus longue à régler, c'est tout bénéfice. Mais il faut aussi savoir y mettre un peu du sien, et ne pas seulement profiter des circonstances favorables. Et coup de génie, la Tepco a demandé de l'aide à diverses sociétés étrangères pour concevoir un système de décontamination des eaux radioactives. Une telle installation sans longs tests préalables est déjà une gageüre en soi, mais avec des intervenants de trois pays différents (Japon, USA, France) et les problèmes inhérents de langues, de systèmes de mesure ou autre que cela comporte, on est assuré de devoir faire preuve de la plus magnifique des persévérances. De fait, la mise en route du système s'est vue contrariée par nombreux problèmes quasi quotidiens entraînant de réguliers arrêts des opérations. De quoi susciter là de saines motivations. Les autres compagnies exploitant des centrales nucléaires au Japon ne bénéficient malheureusement pas toutes d'une situation aussi optimale. Beaucoup de centrales ont été abusivement arrêtées suite à un excès de prudence un peu ridicule du gouvernement. Heureusement, grâce au programme de «stress tests» qui va bientôt avoir lieu, mené rondement par les principaux intéressés, c'est-à-dire le gouvernement et l'industrie nucléaire, nul doute que le feu vert leur sera vite donné. Des cadres de la compagnie d'électricité de Kyushu se sont démenées héroïquement pour tenter de redémarrer au plus vite la centrale de Genkai, en ordonnant à 2300 de ses employés de participer à une consultation de la population locale sur le sujet. Hélas, cette brillante initiative a été rendue publique par de vilains chicaneurs, malgré les précautions prises, comme l'ordre de ne pas utiliser les ordinateurs de la compagnie. Mais hormis le bémol précédemment cité, on peut se féliciter de l'efficacité du gouvernement. Ses membres gèrent l'argent public comme si c'était le leur et font donc tout pour éviter des dépenses inutiles au pays. Pas question donc de procéder à de coûteuses évacuations pour une bête saute d'humeur d'un compteur Geiger. D'ailleurs, aucun programme de distribution desdits compteurs n'est prévu. Une mesure plus économique a été prise avec la dotation de dosimètres aux enfants de Fukushima. Ils sont de surcroît plus précis, car mesurant la radioactivité effectivement reçue et non pas celle potentiellement recevable. Il n'est pas pensable non plus d'engloutir des fortunes à traquer une éventuelle contamination dans les aliments, aussi, les analyses sont-elles réduites au strict minimum. Les produits de la région de Fukushima, comme récemment la viande de bœuf, snobés par une partie de la population quelque peu délicate, sont sauvés du gaspillage par de judicieuses opérations pour les remettre dans le circuit de commercialisation. On pourrait reprocher des frais légèrement excessifs dans les campagnes de prévention, mais ce serait mesquin de rabrouer ces efforts qui n'ont pour but que de rassurer la population. Ne pas craindre de dépenser sans compter pour dire que tout va bien est la preuve indéniable que le gouvernement est attentif au bien-être psychologique des citoyens. Et le gouvernement, conscient que tout n'est pas facile en temps de crise, sait assouplir les lois pour parer au plus pressé. Ainsi, pour éviter un complexe calcul des niveaux de radioactivité, avec des unités qui changent tout le temps, les taux minimum ont été soigneusement revus à la hausse, ce qui épargnera bien de fastidieux calculs. Autre exemple de leur attitude compréhensive, le tsunami ayant occasionné des tonnes de déchets, il faut les incinérer et enterrer les cendres. Mais si ces dernières dépassent un certain taux de radioactivité, ce n'est pas possible. Aussi, autorise-t-on désormais de mêler les cendres non conformes à des cendres ordinaires, afin de pouvoir les mettre en terre sans problème. Il est dommage que certains journaux japonais, même parmi les plus conservateurs, se sentent obligés de critiquer un gouvernement qui n'épargne pourtant pas sa peine. Et que dire de leur quête de sensationnalisme, qui les pousse aussi à relayer d'insidieuses rumeurs? N'y accordez aucun crédit. Tout va très bien au Japon, tout va très bien… |
Anciens commentaires
Je dois avouer que je m'étais laissé aller, récemment, en lisant une news sur le taux élevé (plus de 85% je crois) de réussite au bac cette année, à imaginer que notre ministère hexagonal de l'éducation pouvait avoir, lui aussi, adopté cette méthode particulièrement optimiste qui consiste, disons, à ajuster sa technique d'évaluation pour parvenir à coup sûr à un résultat chiffré conforme aux attentes, ou plus exactement à ce qu'il souhaite communiquer. Étant fils d'enseignante, et ayant eu l'occasion de côtoyer pas mal d'enseignants, je ne sais que trop que le procédé est, bel et bien, une réalité, n'est certes pas une fantaisie des correcteurs mais l'application de directives émanant même officieusement des hautes instances éducatives, et se pratique depuis fort longtemps.
Oh, bien sûr, la chose est, comparée à l'effet probable du même procédé appliqué aux mesures de radioactivité au Japon, bien innoffensive, c'est évident.
Mais si la même astuce est employée à tous les niveaux de leurs études, ces bacheliers dont le diplôme est parfois surtout accordé dans le but de permettre d'annoncer les excellents résultats de la politique éducative du présent gouvernement, quel sera réellement leur niveau de connaissance, leur capacité de réflexion, leur efficacité, leur pouvoir de décision, leur finesse de jugement, leur véritable esprit critique, quand ils deviendront des citoyens actifs, peut-être des dirigeants dans de grandes entreprises, et pourquoi pas, qui sait ?, des intervenants précieux et décisifs dans les futures centrales du pays dont le président persiste à clamer que son nucléaire est le plus sûr du monde ?
Le type qui, demain, sera aux commandes des installations de sécurité des futurs réacteurs EPR gorgés de MOX, si son bac de 2011 ne valait même pas un BEPC cuvée 1981, aura-t-il véritablement les compétences pour réagir correctement en cas de pépin ?
Chiffrer les mesures non en fonction de la réalité mais en fonction de ce qu'on souhaite pouvoir communiquer est une vieille mais bonne recette pour les amateurs de court terme...
Commentaire n°1 posté par Bruno Bellamy le 16/07/2011 à 22h20
Rattrapage intensif sur ce blog.....j'ai bien ri même si c'est de moins en moins possible d'avoir le coeur à ça.
Commentaire n°2 posté par Baiya le 30/03/2012 à 00h12
Le pire c'est que je pourrais avoir écrit ça hier et non pas il y a sept mois, ce serait encore valable. Et ça risque de le rester encore longtemps.
Réponse de Fabrice Chotin le 30/03/2012 à 03h21
C'est exactement ce que je me suis dit en lisant l'article ce matin....
Commentaire n°3 posté par Baiya le 30/03/2012 à 05h03
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